Albert Monier

Albert Monier
Albert Monier photographié par Jean Louis Gorce

Les origines et la découverte de la photographie.

Célèbre photographe d’art, Albert Monier naquit à Savignat, commune de Chanterelle (Cantal), le 3 mai 1915 (Le maire de Chanterelle, qui enregistre la naissance, est alors Pierre Fournier) dans une famille de paysans qui, comme la plupart de leurs compatriotes du Cézallier et de l’Artense, partaient à la mauvaise saison pour faire « marchands de toile » en l’occurrence en Normandie. 👉(Voir sa généalogie )

Tel son grand-père, Antoine Monier,  qui « voyageait » avec sa voiture hippomobile ou « maringotte ». C’est en 1919 que les parents Monier quittent Savignat pour s’installer en Normandie. Son père se lancera après la guerre de 14-18 dans le commerce automobile, à Pont-Audemer, en vendant les fameuses Ford T américaines qui avaient accompagné l’armée U.S. dans les offensives alliées à partir de 1917.

C’est en 1934, à 18 ans qu’il achète son premier appareil photo, un Folding 12, 9x12, à plaques après avoir découvert les cartes postales Yvon grâce à un professeur. C’est cette même année qu’il abandonne les études en 3ème. Car son fort tempérament déplait aux professeurs de l’établissement catholique de Lisieux qu’il fréquente. Il apprend la technique photographique de ses cousins, plus âgés, agriculteurs à Savignat qu’il retrouve aux grandes vacances. Son premier cliché date de 1935, à 19 ans. Après avoir fait beaucoup d’aquarelles, il se passionne pour la photographie, et parcourt la Normandie avec son appareil photo.ii Dans les années 30, il photographiera une Auvergne encore très pauvre. Le cliché pris à Savignat, « Premier plan », paraitra en 1937 dans un journal de photo.

A cette époque il est également attiré par l'automobile : il est fasciné par les exploits de son ami Philippe Etancelin, le coureur automobile, et on le voit en photo sur le circuit de Montlhéry en 1935. Il est mobilisé en 1939 ; son père regagne Savignat. Il se marie  en 1945 avec Elvire Marie Brys dont il divorcera en 1975. En 1946, il achètera une Talbot sport et obtient de l’Automobile Club de France une licence de coureur automobile et fait des parcours autour de Pont-Audemer très tôt le matin. « Là, je me suis attiré des ennuis. Ça a été considéré comme un signe extérieur de richesse par les imbéciles du pays ». (Propos dans Albert Monier photographe).

En 1946, il réorganise et agrandit les magasins de meubles de Pont-Audemer (rue de Rouen), que son père et lui ont créés, sinistrés pendant la bataille de Normandie en juillet 1944. Il l’exploitera jusqu’en 1947.Sinistre où il perdra la plupart des clichés réalisés en Normandie dans les années 30. Après avoir essuyé les critiques du journal Paris-Normandie au sujet des procédures d'embauche de ses ouvriers, quelques années plus tard, il sera à la une du même journal avec un article élogieux sur le «marchand de meuble de Pont-Audemer qui a révolutionné l'art  de la carte postale ». (Claude Masson).

En 1948, il quitte la France pour deux ans et va parcourir le Maroc avec ses appareils dont il tire de nombreux clichés sur la vie et la société marocaine. La période marocaine d’Albert Monier (1948-1950) en savoir plus cliquer ici.

En 1950, il regagne Paris et son Auvergne natale, pour se consacrer à l'art photographique et va séduire le public avec ses clichés. Il est plus intéressé par les paysages et les attitudes des « petites gens » que par le portrait. Il développe ses clichés d’une manière empirique à Savignat en utilisant le « bac » du village et  un agrandisseur personnel 

Exprimant le charme et la poésie de Paris et l’insolite de l’Auvergne qu’il parcourt Voigtländer au poing, ses œuvres lui assurent une notoriété internationale. A partir de 1951, il exposera régulièrement en France et à l’international notamment à New-York. Ce succès artistique s’accompagne d’une réussite commerciale. Il édite également ses photos en cartes postales, une innovation commerciale qu’il aura du mal au début à placer auprès des distributeurs. Le premier acquéreur fut le libraire Couteau au 135 boulevard Saint-germain. Puis il rencontrera le succès : plus de 80 millions de cartes ont été vendues dans le monde sous la marque « LPAM » et la boutique du boulevard Saint-Michel devient le rendez-vous des collectionneurs de cartes postales. En 20 ans, il publie plus d’une centaine de cartes postales dont les dernières sont en couleur. La famille vit alors à Courbevoie, dans deux pavillons dont un utilisé comme laboratoire, dispose d’une employée de maison originaire du Cantal. Albert s’absente souvent pour faire des photos et proposer à la vente ses cartes postales ; il aura même un représentant.

Cette notoriété grâce à la carte postale en fait un des intervenants majeurs d’un colloque consacré à la « Carte postale illustrée » organisée par la Société des amis du Musée Nicéphore Niepce de Châlons-sur-Saône du  6 au 8 mai 1977 où il cite son ami Henri Pourrat racontant les débuts de sa « destinée » de photographe.

En mettant une légende à ses œuvres, il associe les mots aux images. Autre innovation majeure pour l’époque, il lance le grand format photographique 40x50 et le poster : 100 000 posters ont été vendus dans le monde entier et font le bonheur des collectionneurs. Ses photos illustrent des ouvrages d’Henri Pourrat, son grand ami - qui a préfacé un livre de photos sur Paris-, Marie-Aimée Méraville,  sa voisine du Cézallier,4 Jean Anglade, Pierre Moussarie. Lui-même est l’auteur de deux ouvrages : « Paris » et « Au pays des grands causses » dont les photos portent les textes.

Au cours des années 70, l’abandon de la fabrication du papier bromure l’amène à abandonner la carte postale. Il réalisera encore une série de clichés sur commande de la ville d’Aurillac dont le Musée d’art détient un fonds photographique original et les droits qui y sont attachés.(négatifs, plaques de verre). D’après le témoignage de Paul Dufour, recueilli auprès d’Albert Monier lui-même, il aurait réalisé son dernier cliché le 20 juin 1982 : "Mariage à la Concorde"

Très attaché à l’Auvergne, il se sépare néanmoins de la maison de famille à Savignat en 1983. Celle-ci est acquise par un ami de Montboudif, Jean-Lou Michalet qui créera en 1999, avec des amis et des admirateurs du photographe, l’Association Albert Monier (association de la loi 1901) dont le siège est à Chanterelle.

Classé comme photographe « humaniste », Albert Monier est décédé le 21 décembre 1998 à Paris et repose en Normandie, à Malleville-sur-le-Bec. Son œuvre reconnue tardivement par le grand public, mais ignorée par ses confrères, il développera un certain ressentiment à leur égard. On a ainsi pu parler de « photographe maudit » à son sujet.

Une partie de son œuvre est exposée dans un espace qui lui est dédié à Condat (Cantal) ainsi que dans l’authentique salle des fêtes de son village natal, Chanterelle (Cantal). L’association éponyme se consacre à la valorisation de son œuvre et à entretenir sa mémoire par diverses manifestations et évènements, expositions, rencontres, conférences ou célébrations telles que le centenaire de sa naissance en 2015 et le vingtième anniversaire de sa disparition en 2018 avec l’hommage rendu le 8 avril 2018 devant la plaque apposée sur l’immeuble où il a vécu à Paris, 8 rue Nansouty  dans le 14ème où sa haute silhouette et son affabilité sont encore dans la mémoire des résidents qui l’ont côtoyé. Les témoignages recueillis par Michel Lasserre en 2014 et 2015 auprès de ses amis donnent une image contrastée d’Albert Monier à la fois très sensible et aigri, gentil et bourru.

Jean François SERRE
Président de l’Association Albert Monier

"Albert Monier photographe" ouvrage publié avec son concours à l’occasion de l’exposition organisé en 1983 par le Musée d’Aurillac ; quelques photos de ces années « normandes » sont très connues : « Le père Michalot »(1934), Labours en Normandie (1938)

"Au pays de Condat-en-Feniers"  écrit et édité par le Monastère M.D. Znaménié, 1996. « Les pages consacrées à Albert Monier ont été « (…) réalisées avec sa collaboration ».

 « Albert Monier au-delà des frontières  Jean-Claude Delaygues, La Montagne, 16 mai 1993. Il reste connu aux Etats- Unis comme un des meilleurs représentants du courant humaniste des années 50 grâce à ses cartes postales et à ses thématiques ; des auteurs d’ouvrages sur Paris font appel à des photos d’Albert Monier pour les illustrer telles que celles de Notre-Dame (HL PHOTO GALLERY ; Christopher Meason Photo Editor, New-York 2019).

Quelques dates phare de sa carrière

1951 Edition de cartes "noir et blanc", bromure mat avec sa signature au bas de la carte
1953 Sortie de son album "PARIS"
1955 Reconnaissance des académiciens comme G. Duhamel, J. Paulhan et A. Billy et participation à la biennale de la photographie au Grand Palais
1957 Premier prix au concours du journal Franc-Tireur avec la carte : "L'écriture de la lumière"
1958 Edition de cartes "noir et blanc" sur l'Auvergne
1959 Sortie de l'album "Aux pays des grands Causses" en 5000 exemplaires
1960 Edition de cartes couleurs sur Paris
1962 Edition de cartes couleurs sur l'Auvergne – Un chiffre annuel de 2 millions de cartes est atteint
1963 Edition de posters – une première en France – Centenaire de la croix rouge : commande de 10 000 cartes de "La poignée de mains" avec en surimpression son emblème
1964 Edition de symboles avec 2 sujets sur la même carte
1965 Exposition à Radio City Station à New York
1967 A. Monier préside le 3ème concours du Centre national de la recherche scientifique – émission de 30 minutes à la Télévision
1968 Exposé aux journées internationales de Porquerolles
1969 Co-auteur (textes) d'une "Encyclopédie de la photographie"
1973 Conception d'objets pour illustrer un nouvel album et pour une exposition
1977 Emission d'une heure à Radio France international sur les origines de la carte postale et le charme de Paris qu'elle a permis de transmettre
1983 Exposition au musée d'Art et d'Archéologie d'Aurillac
1993 Emission de 20 minutes à FR3 "Albert Monier, Penseur d'images"
1998 21 décembre, dernier jour de l'automne, décès d'Albert Monier

Plus de 80 millions de cartes et 100 000 posters ont été vendus dans le monde.

Bibliographie

  • Paris. préf. Henri Pourrat. Chanterelle-Cantal, L.P.A.M., 1954, 104 p.
  • Au pays des Grands Causses, texte Henri Pourrat, éditions Chaix Paris, 1959.
  • Carte postale in Encyclopédie Prisma de la photographie 1969 ; publ. dir. Maurice Déribéré.
  • Albert Plécy, « Un pionnier de la carte postale », Gens d’Images, 1967.
  • Carte postale, Paris: L.P.A.M. 1977, 75 p.
  • Henri Pourrat et Albert Monier, L’Auvergne vue par Henri Pourrat et Albert Monier in: Cahier Henri Pourrat, no 3. 1985
  • Suzanne Montagne et Claude Dalet, Henri Pourrat et Albert Monier, introd. Annette Pourrat. – 2e éd. – Clermont-Ferrand : Bibliothèque municipale et interuniversitaire, Centre Henri-Pourrat, 2001 (79-Reix : Impr. Centre France). – 159 p. – (Cahiers Henri Pourrat; 3).
  • Poème en l’honneur d’Albert Monier, Annie Majaray
  • Albert Monier sur le site "Patrimoine Condat (15)"

Dans les médias

« Albert Monier, penseur d’images » – INA-

Albert Monier, photographe renommé et pionnier de l’édition photographique grand public, revient sur les lieux de son enfance dans le Cantal, et évoque sa longue carrière. Albert Monier évoque son enfance dans le village de Savignat. Après l’évocation d’un voyage en Afrique du Nord, Il raconte ensuite avec verve le début de sa carrière de photographe, à Paris : ses premières photographies de clochards, le tirage de cartes postales dans son village, avec le lavoir comme bain de lavage, ses premières démarches commerciales, sa première commande. Puis il montre son appareil photo, un Voigtlander « Superb » 6.6, et explique comment il procédait : sans regarder le viseur. Il donne son point de vue sur ce qu’est une bonne photo (l’émotion). Puis il évoque son rapport profond avec l’Auvergne. Il explique le succès de ses cartes postales par son analyse des besoins d’un nouveau public, les étudiants. Le milieu photographique ne lui pardonnera pas cette démocratisation. Puis en compagnie de la fille d’Henri Pourrat Annette, Albert Monier évoque son amitié avec l’écrivain auvergnat. Puis au musée d’Aurillac, il commente son premier agrandisseur, artisanal. L’émission se clôt sur l’évocation du succès international de Monier, malgré le dédain français pour son travail. L’émission alterne interview avec Albert Monier en extérieur, aux abords du village de Savignat, dans le musée d’Aurillac, et des images d’illustration de bonne qualité du Cantal, agrémentées d’un commentaire. De très nombreuses photographies célèbres de Monier, certaines légendées par incrustation vidéo, ponctuent ses propos.


"Le Sénat rend hommage au photographe Albert Monier"

 

 Voir la vidéo sur le site culturebox.


Cliquez ici pour voir le reportage réalisé en 1995
 par Paul Dufour (couleurcantal.tv)
Albert Monier, l’anarchiste de la photographie.

A l’occasion de l’exposition consacrée au photographe Albert Monier et proposée par le musée d’art et d’archéologie d’Aurillac , couleurcantal.tv a ressorti de ses archives un reportage réalisé en 1995 à Paris au domicile de cet artiste quelques mois avant sa disparition. Un homme fier de son œuvre, immensément populaire, mais blessé de n’avoir pas été reconnu par ses pairs… à temps.




Cliquer ici pour voir le reportage réalisé en 2022
par FR3 Auvergne